D. ROUSSET
Troisième thème, celui sur l'insécurité routière qui a suscité beaucoup de débats et qui ne cesse d'augmenter on le sait dans les pays en voie de développement. Les accidents de la route font près de 1,2 millions de morts chaque année dans le monde.
Avant de faire le bilan de ce qu'a dit le congrès sur ce sujet, je vous propose d'entendre à nouveau un court élément enregistré. Ce sont les témoignages de représentants d'usagers, association de consommateurs, Ligue contre la violence routière, bien connue ici en France et organisme de prévention. On les écoute (video)
Quelques mots Patrice Parisé sur ces témoignages ?
P. PARISÉ
Je crois qu'ils sont révélateurs d'une certaine convergence de vue entre les usagers, les associations qui les représentent et les administrations routières sur le fait qu'il faut agir sur les trois leviers que sont l'infrastructure, le comportement du conducteur et le véhicule.
D. ROUSSET
Sur l'interface entre l'homme et la route, il y a encore des marges de progrès. On y a réfléchi je crois dans les différentes conférences ?
P. PARISÉ
La communauté routière, je crois, partage l'idée qu'il faut concevoir la route pour ce qu'on attend d'elle. Et il faut bien reconnaître que ce n'est pas tout à fait le cas encore aujourd'hui.
D. ROUSSET
Pouvez-vous préciser pourquoi ?
P. PARISÉ
Toutes les études montrent que les conducteurs adaptent leur comportement au message qu'ils reçoivent de la route. Toute route délivre un message. Elle délivre un message implicite par sa géométrie, sa largeur, son environnement. Et elle délivre également un message explicite par la signalisation : signalisation classique (les panneaux) et toute l'information qui vient des nouvelles technologies. Plus le message délivré par la route est clair, plus le conducteur adapte son comportement à ce message qui est délivré.
Les administrations routières ont un important travail à faire pour que les routes envoient le bon message pour que l'usager se comporte de la bonne façon.
D. ROUSSET
Oui mais si on parle des nouvelles technologies, on a senti quelques réserves de la part des consommateurs notamment. Elles apportent un gain de sécurité, mais sous certaines conditions quand même ?
P. PARISÉ
Bien sûr. Je crois qu'il faut distinguer les technologies qui concernent les véhicules (systèmes de freinage, airbags et ainsi de suite) des systèmes d'aide à la conduite. Là, incontestablement, les nouvelles technologies peuvent apporter quelque chose mais les propos l'ont bien montré, il faut faire attention à l'interface homme-machine qui doit être bien étudiée car si on multiplie les technologies et qu'on distrait l'attention du conducteur évidemment on aboutira à des effets inverses.
D. ROUSSET
Et concernant l'infrastructure, sur la gestion des risques ?
P. PARISÉ
Ce qui émerge des travaux du congrès, c'est une nouvelle notion qui consiste à inclure la sécurité routière dans une approche globale d'évaluation des risques. Et là, les travaux du comité technique 3.2 sont intéressants puisqu'ils ont élaboré une boîte à outils pour aider les administrations à entrer dans cette méthode d'évaluation des risques. Ils l'ont fait à partir de l'analyse des pratiques dans 23 pays.
D. ROUSSET
De l'importance des échanges, donc, comme la Ligue contre la violence routière l'a également signalé.
Le dernier thème stratégique que vous aviez choisi de traiter cette semaine, c'est celui de la qualité des infrastructures. Sujet très vaste, il nous reste peu de temps pour en parler, mais tout de même, que peut-on retenir ?
P. PARISÉ
Je vais dire d'abord que c'est LE sujet qui a motivé la création de l'Association il y a 100 ans. Lundi, Jean-François Corté nous disait que la première préoccupation de nos anciens, c'était d'éviter qu'il y ait de la poussière sur les routes. Après 100 ans, la qualité technique est toujours un sujet extrêmement important (on a de nombreux groupes d'experts qui travaillent sur cette question) mais la caractérisation de la qualité a évolué. Il faut évidemment toujours faire des routes et des ponts qui tiennent mais il faut aussi utiliser des matériaux économes en ressources naturelles, économes en énergie. On a bien vu que l'Association porte une grande attention à ces questions. La remise des prix de l'AIPCR lundi a montré les champs dans lesquels nous allions, sur les enrobés, à basse température, incorporant des liants végétaux au lieu du pétrole...
D. ROUSSET
Autant de techniques très, très nouvelles. Vous y croyez, sincèrement Patrice Parisé et jusqu'où ?
P. PARISÉ
Non seulement j'y crois mais je ne suis pas le seul. Je rappelle que la séance spéciale sur les « nouveaux concepts, nouvelles idées » a été suivi par près de 300 participants.
L'autre axe auquel nous croyons beaucoup est celui de la récupération des déchets. Et là, les administrations routières ont vraiment une action à mener très importante. Pour pouvoir réincorporer des déchets dans les matériaux routiers, il faut que les spécifications, les marchés, les règles techniques, le permettent. Les industriels nous poussent. Il faut que nous répondions à cette attente pour incorporer de plus en plus de matériaux de récupération dans nos chaussées neuves. Ce sera évident favorable à l'environnement et à la préservation des ressources.
D. ROUSSET
La qualité des ouvrages, c'est donc aussi un facteur à prendre en compte pour améliorer le bilan environnemental des infrastructures routières. Revenons à l'aspect économique. Il y a des avancées très intéressantes qui ont été mises en évidence durant le congrès.
P. PARISÉ
Il y a effectivement une réflexion très intéressante qui est menée sur les ouvrages « à longue durée de vie ». Et c'est aussi un thème étroitement lié au développement durable. Si vous me permettez l'expression « il ne faut pas faire du jetable » parce que si on construit des ouvrages de mauvaise qualité, à un terme plus ou moins rapproché, il faudra les refaire et globalement ce n'est pas économique. Il faut construire des ouvrages qui soient durables et surtout il faut avoir une vision économique qui s'apprécie sur des cycles longs.
Et il faut surtout rappeler qu'il ne faut pas négliger l'entretien pour ne pas avoir à procéder à des reconstructions coûteuses. C'est une évidence mais il faut se la rappeler à chaque occasion.
D. ROUSSET
Nous avons fait le tour, rapide, des différents sujets traités dans ce congrès. Quel est votre mot de la fin ?
P. PARISÉ
Je crois que ce congrès a montré que « le choix du développement durable » n'était pas un slogan opportuniste, mais qu'il y a une réelle prise de conscience des acteurs du monde de la route : la communauté routière a pris la question a bras le corps.
La deuxième observation que je voudrais faire pour nous aider à progresser à l'avenir : il me semble que nous avons une vision un peu trop simplificatrice en entretenant une dichotomie trop nette entre les pays industrialisés et les pays en développement. Je pense que les choses sont un peu plus compliquées que cela et que nous devrions travailler plus en transversalité avec les différents pays plutôt que de travailler sur des thèmes qui concernent tel groupe de pays ou tel autre. Nous le faisons déjà mais je pense qu'il faut aller davantage dans cette direction d'autant que sur des problématiques spécifiques il existe déjà des lieux de dialogue, des organisations qui sont capables de les traiter et donc c'est sur cette transversalité, c'est-à-dire sur une approche commune des grandes questions pour tous les pays du monde, que l'AIPCR a un rôle formidable à jouer pour aider à la formation d'un consensus mondial si possible sur une question aussi importante que la route. Alors voilà du travail pour le siècle à venir.
Pour terminer, je voudrais vous remercier tous d'avoir participé si nombreux à ce congrès : c'est vous qui avez fait son succès. La France a été honorée et heureuse de vous recevoir et de vous accueillir.
Permettez-moi aussi de remercier la communauté routière française toute entière, les entreprises, les bureaux d'études, les industriels et les administrations des collectivités territoriales qui se sont mobilisés avec l'Etat au sein du Comité français de l'AIPCR pour que cette édition soit à la hauteur de l'événement du centenaire.
Je remercie bien entendu mes collègues de l'AIPCR, parmi lesquels le président Colin Jordan, ainsi que le secrétariat général de l'association avec qui nous avons bien collaboré.
Enfin, je vous demande d'applaudir Hubert Peigné, Louis Fernique ainsi que toute son équipe, qui, assistés de nos prestataires sympathiques et efficaces (Europa Organisation, Market Place et Package), ont assuré la conception et l'organisation de cette semaine qui, je l'espère aura répondu à votre attente.
Merci de votre attention.