Claude Van Rooten, président du jury international.
Interview par Dominique Rousset.
D. ROUSSET
Le prix « Construction, entretien et exploitation » , parrainé par la Belgique, a été attribué à: Tadashi Kuroiwa, Koichi Nishikawa, Ikuo Iwasaki et Hikari Okuma du Japon, pour un mémoire sur la conception d'un pont routier avec du béton de fibres à très haute performance (Development of Highway Bridge applying Ultra High Strength Fiber Reinforced Concrete).
Ce matériau résulte d'un transfert de technologie du « béton de poudre réactive » inventé et développé en France. Ses propriétés en termes de durabilité et de ductilité ont attiré l'attention du Japon qui l'a utilisé déjà à plusieurs reprises pour des passerelles.
Quelle a été la motivation du jury pour attribuer le prix à ce projet ?
C. VAN ROOTEN
Le jury a souhaité saluer ici une démarche de transfert de technologie pour une application allant au-delà de celles faites jusqu'ici.
Les remarquables propriétés du béton de fibres permettent d'envisager un allongement de la durée de service et ainsi une réduction du coût de ces ouvrages sur leur durée de vie. Il est important de mener des recherches et expérimentations dans ce domaine.
D. ROUSSET
Le Prix « développement durable », parrainé par la Suisse.Les lauréats sont François Olard et Claude Le Noan de France, pour leurs travaux sur « Les enrobés à basse température ».
Par rapport aux enrobés bitumineux traditionnels, ce procédé de fabrication permet de réduire la température de mise en œuvre de 180°C à 140°C. Pourquoi cette baisse de 40°C mérite t-elle de récompenser ce projet ?
C. VAN ROOTEN
Cette réduction de température permet au moment de la production en centrale de réduire la consommation d'énergie (de 50%) et donc les émissions de CO2. Sur le chantier, cela améliore aussi considérablement les conditions de travail.
Le jury a donc considéré qu'il s'agissait réellement d'une innovation qui s'inscrit pleinement dans la perspective de développement durable et qui est représentative des initiatives que l'industrie routière peut prendre.
D. ROUSSET
Le prix de la « communication » parrainé par la Roumanie a été attribué à Danada McMurty des Etats-Unis pour son mémoire intitulé : « Transmettre le témoin » (Passing the Baton: Communication Techniques for Developing Tomorrow's Transportation Workforce).
Ce mémoire présente les résultats que l'on peut obtenir en appliquant les techniques de communication au domaine des ressources humaines : entrer en relation avec leurs auditoires cibles et leur communiquer des messages d'une manière qui amène des changements de comportement et des résultats.
Cette expérimentation a été réalisée au sein du Département des transports du Mississippi mais aussi vers les jeunes qui seront les recrues de demain, cela de l'âge de 5 ans jusqu'à l'université.
C. VAN ROOTEN
Ce qui a séduit le jury, c'est de montrer une approche dynamique des questions d'éducation et de formation à une époque où de nombreuses administrations s'interrogent sur leur renouvellement de personnel : comment disposer des ressources humaines adéquates et organiser le processus de transfert de connaissances.
D. ROUSSET
Le prix spécial « jeunes professionnels » était parrainé par la France et par le Canada-Québec. Les lauréats sont Alan Dunford, Jill Weekley, Ronit Tong et Clare Harmer du Royaume-Uni pour leur mémoire « Un voyage intelligent aux Jeux Olympiques de 2012 » (An Intelligent Journey to the Olympic Games 2012, A Documentary).
Ce mémoire est rédigé comme une fiction présentant les potentialités des systèmes de transport intelligent le jour de l'ouverture des jeux olympiques de 2012. Ce documentaire suit trois personnes utilisant chacune leur mode de déplacement préféré : voiture particulière, transports en commun, vélo, pour se rendre de leur domicile au stade olympique à Londres.
Est-ce l'originalité de ce projet qui a emporté les suffrages du jury ?
C. VAN ROOTEN
Le jury a effectivement apprécié la fraîcheur du mémoire particulièrement bien rédigé. Mais surtout, il met bien en évidence les apports des nouvelles technologies en matière de sécurité, de confort, de fiabilité des déplacements dans le domaine dit des Systèmes de Transport Intelligents qui peuvent, dans un avenir proche, contribuer à apporter des réponses environnementales et sociétales face à une demande de mobilité toujours croissante.
D. ROUSSET
La médaille Maurice Milne est parrainée par le Royaume-Uni ; elle récompense la meilleure innovation. Il a été attribué à Michel Ballié et Thierry Delcroix de France, pour le « Liant innovant d'origine végétale pour enrobés routiers et revêtements de voiries ».
Le liant d'origine végétale est mis au point à partir de matières premières renouvelables. Grâce à lui, on peut fabriquer des enrobés à environ 110 °C. On a déjà vu tout à l'heure l'intérêt environnemental de cette réduction de la température. Ces liants d'origine végétale se présentent donc comme des substituts possibles du bitume. Le colza à la place du pétrole, est-ce que c'est crédible ?
C. VAN ROOTEN
Oui. Il s'agit d'une réelle innovation, dont les différents aspects ont été maîtrisés par les concepteurs. Bien sûr, seul l'avenir dira si l'évolution des conditions économiques, des coûts des performances, et aussi de la disponibilité des produits pétroliers et végétaux permettent un emploi à large échelle de ce type de liants. Mais le jury tient ici à saluer la capacité d'anticipation et d'innovation de l'industrie routière.